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[Épisode 2] – Les dispositifs de sécurité après Courrières

By Sébastien Taraud  12 juin 2019

Dans les années 1900, en France, tout le monde pensait qu’il n’était pas possible qu’une explosion de poussière se produise (À part peut-être les mineurs eux-mêmes !). Mais à la suite de l’explosion de Courrières, chacun prend encore un peu plus la mesure des dangers explosifs de la mine, sous le vent de mouvements sociaux et de nouveaux dispositifs de sécurité.

L’amorçage des dispositifs de sécurité

Dans les années 1900, en France, beaucoup pensait qu’il n’était pas possible qu’une explosion de poussière se produise. Il était estimé que le charbon présent sous terre n’était pas de nature poussiéreuse et donc que la poussière ne pouvait s’enflammer que difficilement. À la même époque, les pays voisins comme la Belgique ou l’Angleterre estimaient déjà que la poussière pouvait être une réelle source de danger dans les mines. Nous cachait-on les choses pour subvenir aux besoins astronomiques de charbon de l’industrie florissante de l’époque ? Toujours est-il qu’à la suite de l’explosion de Courrières, chacun prend un peu plus ses responsabilités et par la même occasion, la mesure du danger des poussières de charbon. Toutes les théories anciennes sont alors effacées et le risque explosif lié à la poussière de charbon est désormais très largement pris en compte.

Comme souvent dans l’histoire de l’humanité, c’est à la suite d’un grave accident que des décisions sont prises. Ce sera le cas après la catastrophe de Courrière, après laquelle de nouvelles règles de sécurité et de prévention dans les mines.

Les ingénieurs se mettent alors à étudier de nombreux systèmes permettant de mieux protéger les mineurs et sécuriser au mieux la mine. Notamment par l’étude des dispositifs d’arrosage des mines, censés réduire la présence de poussière de charbon et ainsi limiter le risque d’explosion. Également par la mise en place d’études de dispositifs d’aération et de ventilation devant permettre d’évacuer les poussières dans la mine et ainsi éviter l’accumulation de poussières pouvant être facteur d’explosion.

Petit à petit des changements apparaissent pour les mineurs. En effet, au lendemain de cette catastrophe les mineurs devront utiliser des lampes avec une protection et non des lampes à feu nu (sans grillage de protection) comme avant. Ces lampes de sécurité dites “à laminage” rétrécissent la flamme, c’est à dire que la flamme s’essouffle. Ce dispositif assure donc plus de sécurité pour les mineurs et atténue le risque d’accidents.

lampe a feu nu mine dispositifs de sécurité

Lampe à feu nu – Source Wikimedia – Photo libre de droits

 

lampe de sureté dispositifs de sécurité

Lampe de sûreté – Source Wikipedia – Photo libre de droits

 

Il faut aussi savoir qu’à l’époque il n’existait pas de matériel anti-étincelant. C’est à dire que le matériel utilisé par les mineurs ne permet pas d’éviter les éventuelles étincelles. Désormais, des outils sont créés comme les outillages en bronze béryllium (Al Br) qui ne sont pas générateurs d’étincelles et ainsi peuvent être utilisés en sécurité dans des zones à risques.

 

La prise de conscience et les changements sociaux

Après Courrières, les mineurs comme les compagnies exploitantes décident d’instaurer plus de sécurité et de contrôles dans les mines. Dès lors, une personne interne à l’entreprise est nommée pour vérifier cette mise en place de la sécurité. Or, on se rend compte que cette personne n’est pas réellement objective étant donné qu’elle est interne à l’entreprise. C’est pour cela que l’intervention  d’inspecteur externe va devenir peu à peu nécessaire, pour observer un maximum d’objectivité  : c’est le début de l’Inspection du Travail.

Dans un contexte tendu “post-Courrières” et après les nombreuses grèves des années 1906 et 1907, le gouvernement ne peut plus ignorer les revendications des manifestants et instaure alors le Ministère du Travail. Ce ministère regroupe la Direction du Travail, celle de l’Assurance et de la Prévoyance Sociale qui sont rattachées au Ministère du Commerce et rattachées au ministère de l’Intérieur.

Les premières missions du Ministère du Travail  ont été de donner aux femmes mariées le droit de disposer de leur salaire par une loi du 13 juillet 1907. Auparavant, l’époux était le seul gestionnaire du salaire que percevait sa femme, elle ne pouvait donc ni l’utiliser ni le garder. Quand on sait que beaucoup de femmes se retrouvent veuves à la suite de l’accident de Courrières, celles-ci n’étaient théoriquement pas en droit d’utiliser l’argent du compte bancaire du foyer au nom de leurs époux. Il fallait de toute façon modifier les textes de loi. Dès 1890, de nombreuses femmes se rassemblent et créent des associations féministes afin de combattre les inégalités entre les hommes et les femmes.

La loi sur le droit de disposer de son salaire est aussi le fruit du travail d’une femme : Jeanne Schmahl. Cette femme fut la première femme docteure en droit. Elle a crée son groupe “l’Avant Courrières”en 1893 dans le but de donner aux femmes le droit de disposer de leur salaire. Sa proposition fut reprise et proposée sous forme de loi par Léopold Goirand lorsqu’il est élu sénateur en 1906. Il est alors soutenu par des associations féministes dont “l’Avant Courrières”.

droits des femmes mines

Jeanne Elizabeth Schmahl (1846–1916) – Sources Wikipedia – Image libre de droits

Grâce à leurs actions associatives et leurs différents mouvements de revendications, les femmes vont pouvoir disposer librement de leur salaire et c’est le début des changements vers plus d’égalité entre hommes et femmes.

Par la suite, le Ministère du Travail et de la Prévoyance Sociale décide en accord avec les mineurs et les ingénieurs de réfléchir à des solutions concrètes afin de prévenir et d’éviter l’accident minier. C’est à ce moment là que des dispositifs de sécurité plus importants vont être mis en place, comme la création de stations d’essais pour étudier et prévenir les risques miniers. C’est dans ce même temps qu’un premier poste de secours est créé dans la station d’essais de Liévin (première station d’essai Française). Ce lieu, proche des mines alentours, propose à des personnes de se former aux risques miniers et ainsi de devenir sauveteurs.

C’est ainsi qu’en 1907, les ingénieurs décident de passer par la voie expérimentale en construisant des stations d’essais. L’objectif étant de mieux comprendre les phénomènes d’explosion de poussières dans les mines et ainsi d’intensifier les dispositifs de sécurité.

Ce sont les débuts de la recherche expérimentale en matière d’explosion et d’atmosphères explosives et explosibles que nous vous raconterons, dans le 3ème épisode de notre série d’articles de blog liés à l’histoire de l’ATEX.

À suivre…

 

Relire l’épisode 1 « Catastrophe de Courrières – prémices de la maîtrise du risque d’explosion »